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14.10.2012

Le bestiaire de Joseph Courilleau

Quelques tableaux. A peine une œuvre. Une expression artistique si furtive, si peu façonnée qu’elle en devient émouvante, attendrissante même. N’était son parfum de délire et de nature mêlées. Les peintures sur plaque d’Isorel de Joseph Courilleau méritent une halte comme celle qu’on fait dans une clairière au sortir d’une forêt. Elles font partie de ces «sujets pouvant être traités» que j’ai mis dans un dossier en attendant l’occasion d’en parler.

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Mais quelle actualité concernera jamais cet homme de la campagne réfugié dans une ville de province qui occupait son temps à tresser des paniers et des bourriches en osier avant de se mettre à peindre dans son grenier, à 72 ans, alors qu’il n’avait jamais touché un pinceau de sa vie?

Il aura fallu que je sorte de bonne heure ce matin, qu’il fasse frisquet, que la pluie m’ait rattrapée sur le chemin du RER pour que je repense à Joseph Courilleau dont le petit-fils Jérôme Lamothe m’a conté la légende il y a bientôt deux ans de ça.

feuilles mortes.jpgSoudain j’ai eu envie de siffler un chien inexistant, d’enfoncer mes bottines dans les feuilles mortes, d’offrir mon nez au vent d’octobre comme à une crème de beauté, d’oublier mon club de fitness. Des souvenirs de lecture sont venus se mêler au souvenir de Joseph Courilleau, un Raboliot du Poitou en son genre.

Il y a beaucoup à rêver, en ces temps d’ouverture de la chasse, sur le braconnage qui, dans nos contrées, porta certains à une marginalité clandestine protégée par la population locale complice. Cela se terminait mal, généralement et c’est ce qui est arrivé à Joseph Courilleau.

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Pendant plus d’un an, il vécut en ermite dans la forêt, secouru par son épouse qui le récupéra dans un état pitoyable.

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Né en 1920, l’armée, la guerre et un retour difficile où il trouve la ferme familiale exploitée par un parent qu’il s’imagine doté de pouvoirs néfastes, lui font péter un plomb et se précipiter à 25 ans dans la schizophrénie, selon le diagnostic des médecins.

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Ses tableaux, d’apparence faussement naïve, ont quelque chose de pariétal, de primitif, de bizarre, bien qu’ils visent le plus souvent à représenter des animaux en liberté. Un soupçon de chamanisme, de la sorcellerie évocatoire, peut-être?

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Ces œuvres sont mieux en vrai que sur les photos de Jérôme qui était le seul à être accepté par son grand-père dans son grenier, «son univers et unique horizon». L’épisode de la réclusion au fond des bois fut suivi d’un long séjour en hôpital psychiatrique.

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Après quoi, Joseph Courilleau, stabilisé par les médicaments qu’il mélangeait fâcheusement à l’alcool, occupa jusqu’à sa retraite un emploi de tanneur dans une chamoiserie. Les bêtes toujours. La peau des bêtes.

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En béret et sandalettes (sous des poches en plastique l’hiver), le regard perdu, ce «déraciné», cet éternel «incompris», enfermé dans sa petite maison des Deux-Sèvres, était «quasi inaccessible». Les repas de famille, il n’y venait jamais, n’adressant pas la parole à ses proches, content seulement, «très content» de voir Jérôme. Que celui-ci le lui rende bien par le truchement de mon blogue est pour moi motif de fierté.

Joseph Courilleau est mort à 84 ans sans avoir jamais accepté qu’on l’ait privé de sa chère nature.

15:38 Publié dans art brut, Images, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, joseph courilleau | |  Imprimer | | Pin it! |

27.09.2012

Les inventeurs bientôt inventoriés ?

4 octobre 2012. Vous avez jusque là pour vous procurer en kiosque le n°375 du bimensuel Le Journal des Arts. Article d’une page sur 6 colonnes d’Eric Tariant. Dans la rubrique Patrimoine et musées, une enquête documentée sur le thème des Chefs-d’œuvre d’art brut en péril.

patrimoines irréguliers,art brut,marcel landreau,eric tariant,pierre de lagarde,chefs d'oeuvre en périlApprécions au passage le petit parfum ORTF. «Chefs d’œuvres en péril» rappelle l’émission culte de Pierre de Lagarde et les années 60/70 du siècle dernier que certains, m’a dit mon daddy, ont vécues.

Ce n’est pas le cas des «fondus d’art singulier» qui «tirent la sonnette d’alarme» à propos de ces «œuvres monumentales réalisées par les inspirés du bord des routes ou bâtisseurs de l’imaginaire» qui «disparaissent avec leurs inventeurs». Du moins trop souvent.

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Eric Tariant nous parle d’un «jeune couple italien» qui s’emploie à fédérer «les bonnes volontés» pour sauver «ces sites en péril». Chiara Scordato, une Romaine de Paris «et son compagnon Danilo Proietti» (quelques autres aussi que le journaliste ne cite pas) ont créé une association. Son titre : Patrimoines irréguliers, me paraît heureusement inspiré par Irregolari le livre d’Eva di Stefano dont je vous parlais encore hier. Le site Internet de l’asso est en construction mais il devrait accueillir en 2013 l’inventaire d’une cinquantaine de «sites du patrimoine artistique français». Sites bien réels de notre terroir ceux-là.

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Une cinquantaine sur «environ 200» qu’«on recense» en France, nous dit le journaliste sans préciser davantage. Faut-il chercher ce «on», «pronom malhonnête» comme le prétendaient nos grands-mères, parmi la «brochette de spécialistes de l’art brut emmenée par le critique d’art et écrivain Laurent Danchin» (dixit Tariant) qui en appela (je parle de la brochette) récemment à un ministre de la Culture sur le départ pour le classement d’une cathédrale plus new-ageuse que brute?

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L’article de Eric Tariant ne le précise pas. Il n’en énumère pas moins certains de ces 200 «environnements d’art populaire» : le Palais idéal d’Hauterives, le jardin de sculptures d’Emile Taugourdeau, la Maison aux coquillages de Bodan Litnianski («à vendre au prix de 80.000 euros»), Le Petit Paris à Saint-Dizier et le site de Marcel Landreau à Mantes-la-Jolie.

A propos de celui-ci, précisons à monsieur Tariant qu’il est un tantinet défaitiste d’écrire que cet «environnement fait de sculptures de cailloux» n’aurait pas «résisté au passage du bulldozer commandité par (ses) nouveaux propriétaires». N’en déplaise à ceux -amateurs ou «spécialistes»- qui propagent cette romantique légende à partir de données anciennes, Marcel Landreau avait su sauver de la destruction un nombre non négligeable de ses œuvres.

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Comme les découvertes récentes d’un antiquaire dont le nom (Freddy Tavard) a été révélé ici même sur mon blogounet à moi, Marcel Landreau avait même su transporter et scénographier ses œuvres rescapées dans un autre environnement : celui de la résidence poitevine où il passa sa retraite, poursuivant son travail créatif à petit bruit. Il n’est pour s’en convaincre qu’à faire un tour sur mes notes spéciales Landreau.

Et puis voilà.

26.09.2012

Costruttori di Babele à la Villa Borghese

Museo_Bilotti-_esterno-2.jpgRome. L’Orangerie de la Villa Borghese, ça fait rêver. Si vous vous trouviez dans les parages, samedi 29 septembre 2012 sur le coup de 4h de l’après-midi? Ce serait l’occasion d’aller au vernissage de l’exposition du Musée Carlo Bilotti.

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Des photos. Notamment celles d’Alberto Ferrero représentant la Maison du Chevalier à Maregrosso près de Messine en Sicile.

Votre petite âme errante vous a déjà signalé cette œuvre «environnementale» de Giovanni Cammarata pas plus tard que le 22 juillet 2008. Grâce au livre d’Eva di Stefano (bonjour à elle si elle me lit) : Irregolari.

Et on dira après ça que les Italiens ne savent pas ce que c’est que l’art brut !

23.09.2012

De l’« art brut » à la FIAC de Nîmes ?

A Nîmes ça va aussi vite qu’ailleurs. On n’a pas le temps de rien. La Foire Internationale d’Art Contemporain (13e édition) ferme ses portes le 24 septembre et j’allais oublier de vous pointer qu’elle est l’occasion d’une preview sur le futur Musée de l’Art Brut et Singulier Fernand Michel qui ouvrira début 2013 à Montpellier.

outsider artPlutôt que de l’art brut à proprement parler, de l’art à ses lisières puisque sont mis en vedettes là : Pepe Donâte, chouchou du cinéma espagnol, qui figura à Mauriac dans l’expo Outsiders de 2011, Danielle Jacqui, Claude Massé, Gérard Lattier et le trop rare Jano Pesset, fidèle compagnon de route de la Fabuloserie.

12:17 Publié dans De vous zamoi, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, fernand michel, outsider art, nîmes, montpellier | |  Imprimer | | Pin it! |

17.09.2012

Sainte-Anne s’émancipe !

patrimoines cachés.jpgLes journées du Patrimoine ont quand même du bon.

On visite gratis les monuments cachés derrière leur mur en réfection, comme le Centre Hospitalier Sainte-Anne.

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entrée singer polignac.jpgAu sein de celui-ci les profondeurs du Musée Singer-Polignac abritent, jusqu’au 27 novembre 2012, une exposition du Centre d’Etude de l’Expression. Son titre ? Emancipations. Je vous en aurais bien rapporté des images mais vu qu’on y interdit de photographier et qu’il y a zéro dossier de presse illustré sur le Net, c’est pas plaisant à relayer.

J’avoue que j’ai pas compris quel principe fédérateur peut bien rapprocher les œuvres de cette "école émancipée" présentées ici. Elles vont de l’art brut pur et dur à des compositions hybrides, émanant de personnes peut-être familières avec les milieux psy mais dont les travaux témoignent, plus ou moins volontairement, de références par trop identifiables. Dessin académique, abstraction lyrique, caricature, graphisme à la Paul Klee notamment. Sans oublier les entrelacs décoratifs et baroques d’un admirateur du Château de Versailles. Je ne cite personne pour ne pas choisir à votre place.

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Mais en feuilletant le catalogue orné d’une jolie couverture dans le goût psychédélique des sixties planantes, vous comprendrez ce que je veux dire.

Tout cela a du mal à tenir ensemble d’autant que les disparités qualitatives ne manquent pas. Le préambule du catalogue pourtant prodigue en citations de Deleuze et Lévi-Strauss n’insiste pas assez sur la bonne surprise de cette expo.

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Y figurent en effet des planchettes de Hassan, le jeune créateur sénégalais des rues de Barcelone dont mon blogounet vous a révélé l’existence il y a 2 ans déjà grâce à Eric Gauthier, un de mes lecteurs.

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15.09.2012

De la couette à l’assiette

vide grenier st sulpice 2012.jpgCe matin, brocante place Saint-Sulpice. Réussi à tirer le chéri que j’ai de sous sa couette aux aurores.

Cette drôle de vieille assiette craquelée qui me cligne tout de suite de l’œil avec son petit air lamentable.

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Je craque pour ce conglomérat de formes vagues et cernées censées représenter des parties du corps qui n’ont pas l’air de bien tenir ensemble.

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N’étaient les orteils qui s’échappent du bord, le bas du corps semble se terminer en sirène… Un travail enfantin ? Ou une maladresse obstinée à envisager l’organique sur un mode annelé, protubérant, emboîté ?

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J’en ai pour mes 2 € et me voilà confrontée à cette figure mal centrée. Ceci dit pour le fun : elle n’a pas l’air dans son assiette.


PS du 16 septembre 2012 :

Voici l'image d'Aloïse dont parle Béatrice Steiner dans son commentaire ci-dessous.

Elle provient d'un carnet appartenant à la collection d'art brut de Bruno Decharme.

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11.09.2012

100 bougies pour le Palais Idéal

Toutes proportions gardées, les anniversaires se suivent. Et bien sûr, ils ne se ressemblent pas. J’ai eu beau faire «un travail opiniâtre», je ne peux prétendre, même si c’est «mon rêve», aux 34 ans, 9000 jours, 65000 heures du champion d’Hauterives! C’est un boulot de Titan pour ne pas dire de Cheval.

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De facteur Cheval s’entend, en l’honneur des 100 ans duquel la Collection de l’Art Brut consacre une nuit et une exposition. Lausanne, ne faisant rien comme les autres villes, s’offre en effet, le samedi 22 septembre, une nuit des musées au cours de laquelle sera projeté Violons d’Ingres, le fameux court-métrage de Jacques-Bernard Brunius dont je vous avais rappelé l’intérêt pionnier dès mes débuts en septembre 2005. La projection de ce film de 1939 où figure le Palais Idéal sera suivie de celle du «premier film de fiction dédié à Cheval» (y’en a-t-il eu d’autres?) de 15 mn chrono, intitulé, pour faire simple, Palais Idéal.

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Ado-Kyrou.jpegL’auteur, Ado Kyrou, écrivain et critique porté sur le cinéma surréaliste, est aussi un admirateur de Brunius. Sa contribution à la cinématographie chevaline, n’ayant pas eu la chance d’être enrôlée dans le DVD des frères Prévert, me fait l’effet aujourd’hui d’être plus à découvrir que celui de Brunius. Bien que Palais Idéal ait été tourné en 1958, soit près de 20 ans après Violons d’Ingres.

andré hodeir jazz groupe.jpgLe carton d’invitation de la CAB nous vante par ailleurs la musique jazz du film dont le «côté improvisé et l’esprit de liberté correspond bien au Palais Idéal» à ce qu’il paraît. Cette musique est de André Hodeir.

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Il n’est pas indifférent de souligner également que, dans le film d’Ado (comme Adonis : il était grec), les textes du facteur Cheval sont dits par Gaston Modot. Cela vous laisse froids? Et bien revoyez L’Âge d’or, le brûlot surréaliste de don Luis (Bunuel) qui date de 1930. Le personnage de «L’Homme», prototype de l’amoureux fou et bien c’est Gaston Modot!

Ces deux films de la nuit lausannoise apporteront le soutien de leurs projecteurs à l’expo de photographies en couleurs de Michel Guillemot que vous pourrez voir à la CAB jusqu’au 30 septembre 2012. Un petit détour à la librairie de la Collection vous permettra de vous offrir le livre Palais Idéal du Facteur Chevalparu aux Nouvelles Editions Scala en 2011. Les photos de Guillemot y accompagnent (ou y sont accompagnées par) un texte de Gérard Denizeau.

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montage expo cheval.jpgLes petits malins parisiens qui voudraient maintenant pousser un grand hennissement à la Bobby Lapointe pour saluer à leur tour le centenaire de l’achèvement du Palais d’Hauterives pourront le faire bientôt aussi : exposition-hommage au Musée de la Poste en perspective.

Montage en cours!

19.08.2012

Maison Picassiette : Y’a pas photo !

En revenant du Maine et Loire, que croyez-vous qu’Ani fit? Dans l’Eure et Loir, elle est passée. A Chartres elle s’est arrêtée. Non pour la rime mais pour revoir la maison de Raymond Isidore qu’elle a visitée petite avec son daddy.

verso pp.jpgEn ce temps là, c’était de tout repos, la rue du Repos. On se promenait chez «Picassiette» en toute sérénité. Le créateur n’aimait guère ce surnom péjoratif qui lui avait été donné par des concitoyens soucieux de souligner l’écart entre son art et celui de Picasso. Il n’appréciait pas plus d’avoir été relégué parmi les morts dans le cimetière voisin où on l’avait nommé cantonnier.

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Mais l’univers de mosaïques qu’il avait conçu, sur son terrain, dans sa maison et jusque sur ses meubles, chatoyait dans la grisaille ambiante de son quartier. De son vivant, son épouse et lui aimaient à recevoir les curieux. Je ne sache pas qu’alors, Raymond Isidore ait découragé les photographes. «Je donne toujours l’autorisation de prendre des photos» écrit-il même à Anatole Jakovsky (cf. Les Cahiers de Marottes et Violons d’Ingres n°60, p. 26).

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Gilles Ehrmann, Robert Doisneau, Jacques Verroust, Maurice Zalewski, Michel Boudaud s’en donnèrent chez lui à cœur joie. Comme plus tard André Abegg, Maarten Kloos

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Clovis Prévost 

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Paul Fuks

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Massin

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Entre 1962 et 2001, il s’est publié plusieurs albums photos sur Picassiette qu’il n’est pas trop difficile de se procurer. Et il y a gros à parier qu’au 20e siècle bon nombre de kodaks ont dû enregistrer les impressions des visiteurs (avis aux fouineurs d’archives familiales!!!).

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Mais le 21e siècle est arrivé qui est une époque formidable. Une époque qui donne à la liberté des moyens nouveaux tout en ressuscitant des contraintes absurdes pour restreindre celle-ci. Naguère, on n’avait personne sur le dos pour rêver dans le jardin d’Isidore.

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Aujourd’hui on force de braves employés municipaux à vous marquer à la culotte pour le cas où vous voudriez emporter un petit souvenir photographique. Le «règlement» maison vous ordonne de laisser votre appareil dans son étui. Combat d’arrière-garde : le web est déjà plein de photos de la maison d’Isidore. Les touristes japonais repartent sans comprendre.

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Une atmosphère pénible de clandestinité et de délation s’instaure dans ce lieu d’enchantement. Une telle restriction est parfaitement abusive (sauf pour l’usage du flash bien entendu). Rien de légal ne peut vous empêcher de prendre une image pour vous la mettre en fond d’écran ou pour la réserver à votre album perso. Le caractère rétrograde de cette mesure arbitraire se mesure d’ailleurs au look ringard de l’appareil photo qui est représenté sur la pancarte inhibitrice.

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On se demande dans quel monde ancien vit la personne qui a décidé cette mesure. Au lieu de se prendre pour le musée d’Orsay (où même là ce n’est pas gagné pour les restrictions à la liberté de photographier), l’administration de la Maison Picassiette ferait mieux d’entreprendre une campagne pédagogique pour expliquer aux visiteurs qu’il ne faut pas toucher les mosaïques de Raymond Isidore. Sur ce point comme j’ai pu le constater, il y a fort à faire. Et c’est plus dommageable que des prises de vue qui n’altèrent en rien l’œuvre du créateur chartrain et pour lesquelles on pourrait solliciter à la rigueur une redevance raisonnable. Si l’on veut générer des fonds pour les restaurations toujours indispensables.

17.08.2012

Fernand Chatelain, un jardin dés-âmé

Devoirs de vacances. On révise ses classiques. Ce n’est pas toujours drôle. En allant dans le Maine et Loire, je suis passée chez Chatelain.

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A Fyé dans la Sarthe, je me suis arrêtée en haut de la colline, non pour y siffler d’admiration sur la route nationale 138 mais pour y cueillir quelques impressions récentes sur le jardin deux fois abandonné en ces temps de grande solitude du mois d’août.

Le lapin aux bras serpentins est revenu.

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Je n’en donne l’image que pour que vous puissiez la comparer à celle de 1969 figurant dans mon album photo Fernand Chatelain, avant, après.

Je dois à la vérité de dire que la fameuse patine qu’on nous promettait en 2005, au début des opérations de restauration, commence à porter ses fruits. Les couleurs sont moins pétantes.

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C’est donc moins moche, mis à part les pièces qui ont subi des interventions récentes.

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D’où vient alors que l’ensemble nous paraisse toujours aussi dés-âmé?

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Aux structures trop rectilignes de la clôture, aux postures trop raides des personnages, à leurs parures trop délimitées, trop sages, à une absence de fluidité dans les gestes figurés dont la grâce originelle est perdue.

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L’accent est mis (et réduit) au côté humoristique de la chose mais où est le parfum de sauvagerie que Fernand Chatelain savait leur donner?

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Pour faciliter la vue le terrain a été dégagé de ses broussailles, la végétation disciplinée et le mystère s’en est allé, avec la lumière crue.

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Il n’est qu’à se reporter aux belles photos de Pierre Lebigre que j’ai données dans ma note Fernand Chatelain en 1976 pour comprendre ce que je veux dire. On y notera aussi combien le goût très sûr de Chatelain le conduisait, loin de la finition desséchante d’aujourd’hui, à laisser vivre dans son travail ces traces de bricolage inventif qui en faisait le sel.

03.08.2012

« Terra incognita » em Lisboa

Madge Gill n’est pas seulement à Londres, Jean Perdrizet à Digne, Pascal Verbena  à Aix-en-Provence.

Retrouvez-les aussi à Lisbonne jusqu’au 23 septembre 2012 à la Fondation Arpad Szenes/Vieira da Silva en compagnie de plus de 70 créateurs et artistes triés sur deux volets : arte bruta et periferia.

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Même si vous ne comprenez pas le portugalais, ça parle tout seul, n’est-ce-pas? cette expo Terra incognita. Et quand je vous aurais dit que sont estivalement montrées là les œuvres de la Collection Treger-Saint Silvestre et que le comissariado a été confié à Christian Berst vous aurez mordu le truc. Pour les relous, les distraits, les noyés dans le perroquet ou la tomate, j’ajouterai quand même que Richard Treger, jadis pianiste, a été un bout de temps galeriste rue Mazarine. En collaboration avec le sculpteur Antonio Saint Silvestre, d’origine portugaise aussi.

Feuilleter jusqu’à la moelle le catalogue de cette expo au titre latinisant est chose facile sur le site de la Galerie Berst, pourvu que vous soyez encore capable de vous infliger quelques clics après une nuit de pogo au Deleriumula, le club de la plage.

Mes lecteurs attentifs y retrouveront de vieilles connaissances comme ce Giovanni Bosco que j’ai eu l’honneur et la chance de révéler au monde de l’art brut sur mon blogue les 25 mai et 16 juin 2008. C’est un réel plaisir et une fierté perso de voir qu’il est entré aussi dans cette collection.

Giovanni Bosco

Même si l’angélique Simone Le Carré-Galimard n’a rien à voir avec l’éditeur de la rue Gaston-Gallimard, même si son nom ne prend ne prend pas deux L, même si elle n’est pas morte en 1966 comme l’indique à tort la notice du catalogue Terra incognita, je suis contente de la rencontrer là entre Carlo Zinelli et Fleury-Joseph Crépin. Je la voyais plutôt dans la partie périphérique mais, qu’il porte ou non le dossard de l’art brut, son assemblage au héron vert en plastique vaut le détour par Lisbonne.

Simone Le Carré-Galimard

Beaucoup de créateurs et d’artistes bien connus dans le landerneau brut figurent encore dans l’exposition lusitanienne. Et quelques uns moins souvent sur le devant de ma scène comme Joao Pé-Leve, Pavel Leonov, l’étonnant collagiste Jacques Deal (periferia)

Jacques Deal

Roy Wenzel, Karl Vondal, Oskar Voll, Henry Speller, Royal Robertson, Ergasto Monichon, Dusan Kusmic (arte bruta)

Dusan Kusmic

Dans l’ensemble, un très bon moment à passer par conséquent.

Un regret toutefois. Richard, Antonio, Arpad, Maria Elena et Christian étant plutôt du genre parisien de chez parisien, on aurait pu glisser un peu de français dans le catalogue, entre la version originale en portugais et l’inévitable traduction en anglais.